Confidences à l'approche du Jour J
- Lucie
- 17 févr. 2015
- 8 min de lecture

Les jours ne sont pas assez longs. Les nuits sont courtes. Des centaines de choses à préparer et des centaines de choses dans la tête. Sans compter le cycle de la vie qui poursuit sa ronde.
D’un coté, je suis excitée et impatiente à l’idée de retrouver mon beau Japon et les miens qui y vivent, et cela après deux ans de séparation. De l’autre, je laisse ma belle France et la majorité des miens qui s’y trouvent, et cela pour plusieurs mois. Je sais déjà que je vais rater des tas d’évènements concernant leurs quotidiens : mariage, naissances, anniversaires, crémaillères, voyages... J’ai déjà toute une liste d’évènements auxquels je n’assisterai point. Mais si je reste pour applaudir la vie des gens que j’aime, je n’avancerais jamais dans la mienne.
Hasard ou destin, je reviens au Japon deux ans jour pour jour après l’avoir quitté en larmes. Deux ans c’est exactement le temps que je m’étais fixé pour y retourner. Je veux y voir un signe, celui d’avoir fait les bons choix. Celui de vivre sans regrets.
Dans quelques jours je vais arpenter ma « Capitale de l’Est » qui ne dort jamais et jouer à la sardine dans le métro tokyoïte. Dans quelques jours je vais renouer avec cette rencontre, ce pays qui a remis en question tous mes plans de vie. Dans quelques jours je vais revoir les amis laissés sur place. Ces retrouvailles, j’en rêve depuis des mois. Je vois déjà apparaître la fascinante Tokyo dans mon hublot.
Mais pour qu’il y ait retrouvailles, il faut qu’il y ait des au revoir. Des au revoir au combien difficiles tant les personnes qui gravitent autour de moi sont exceptionnelles et ont chacune façonné une partie de celle que je suis. J’emporte une partie de chacune d’elles à des milliers de kilomètres de ma Méditerranée natale. Je vois déjà les larmes couler en regardant dans mon hublot.
Je n’ose même pas promettre que je ne pleurerai pas. Je sais pertinemment que je vais m’effondrer comme une madeleine sur mon siège 37A. Je vais pleurer parce que je m’étais promis dans l’avion Tokyo-Paris qui me ramenait en France il y a deux, que je reviendrai. J’ai tenu la promesse que je m’étais faite. Mes efforts et le soutien de mes proches ont payé. Je vais pleurer parce que je reverrai un à un les visages de ceux que je laisse derrière moi, d’autant plus que les derniers jours que nous avons vécus ensemble n’étaient pas des plus faciles. C’est aussi cela la vie. Alors qu’elle vous permet de retrouver une part de vous-même, elle vous en enlève une autre.
Les questions que l’on se pose à quelques jours du grand changement de vie :
Est-ce que j’ai peur ?
Evidemment ! On parle de refaire sa vie quelques mois ailleurs, dans un pays qui n’a ni la même langue ni la même culture. Je vais pour un temps faire partie d’une société qui n’est pas la mienne. Je ne m’attends pas à une vie facile. Je dois réapprendre les bases, repartir de zéro. Je vais faire face à des incompréhensions, des blocages, des silences. Mais je vais aussi être face à ma moi-même et devoir repousser mes limites. Je vais voir de quoi je suis capable. Je prends cette expérience comme un véritable voyage initiatique, à la découverte de l’autre mais aussi de moi-même.
Ce qui me fait le plus peur ?
L’incompréhension me terrifie. On parle de deux mondes qui s’entrechoquent. J’ai peur de faire des erreurs, peur qu’on me rejette, peur de ne pas m’adapter, peur de choquer, peur qu’on ne fasse pas l’effort de me comprendre. Mais en même temps, c’est aussi pour cette confrontation que je m’exile à l’autre bout du monde. Ensuite, autre peur, celle de ne pas réussir à trouver du travail et même si je me plais au Japon, de devoir le quitter plus tôt que prévu. Enfin, non je n’ai pas peur de me perdre dans le métro, c’est déjà arrivé et ça arrivera encore, mais plus insolite, je crains le tri sélectif japonais. Ne rigolez pas, les poubelles c’est l’armée au Pays du Soleil Levant ! Ne pas se faire relever son sac poubelle parce son tri n’est pas correct, eh bien c’est la honte… Ah oui, j’ai aussi peur qu’on veuille me faire manger du saumon constamment, je déteste ça.
Ce que j’ai hâte de retrouver ?
En premier lieu, les personnes incroyables qui m’y attendent. Certaines d’entre elles seront déjà là à ma descente de l’avion. La véritable amitié est possible même à l’autre bout du monde. Je suis impatiente de parler en face à face, de rire, de manger des râmen, d’assister à des concerts, de faire des purikura, de me faire massacrer à Mario Kart dans un Game center, de découvrir des facettes de Tokyo que je ne connais pas avec ces personnes.
La propreté des rues japonaises est également l’une des choses que je suis pressée de retrouver. Nous avons énormément à apprendre de ce pays en ce qui concerne la propreté des espaces publics.
La télévision japonaise me manque aussi. Outre le fait qu’elle diffuse constamment des émissions de cuisine, on peut y voir ses animes, ses acteurs et ses chanteurs quotidiennement, et cela bien souvent dans des émissions complètement barrées. La télévision japonaise peut être vraiment très drôle mais parfois aussi très effrayante !
En France, je vis un peu à « la culture japonaise » : musique, films, dramas, animes, mangas… Il me tarde de sortir de ma station de métro, de lever la tête et de voir une affiche géante d’un film ou drama avec l’un de mes acteurs favoris (vous avez dit Takeru Satô ?) ou bien signalant la sortie du nouvel album de mes artistes de J-rock préférés (vous savez Miyavi, Radwimps, heidi. et compagnie).
J’ai hâte enfin de retrouver celle que je suis là-bas, tellement plus forte et avec plus d’assurance. A l’autre bout du monde, pas le choix, soit tu avances en prenant sur toi et en repoussant tes limites, soit tu prends le premier avion pour rentrer en France.
Ce que je n’ai pas hâte de retrouver ?
Les regards insistants sur « L’Occidentale de service », même s’il y en a peu. Je dois l’avouer, au bout d’une semaine à Tokyo j’avais fini par ne plus m’en préoccuper. Le gars qui se lève de son siège dans le métro pour aller s’asseoir à l’autre bout de la rame parce que j’ai posé mon fessier d’Occidentale à côté du sien ; on s’y habitue et on n’y fait plus attention à la longue. On rencontre tellement d’autres personnes plus intéressantes au Japon que ces personnes là, on les zappe. La majorité des Japonais n’est pas comme cela. Il faut le dire, au Japon, je ne me suis jamais autant sentie « Occidentale » puis « Française ». C’est ainsi et je pense qu’il faut plus en faire une force que de se vexer ou d’avoir une mauvaise opinion des Japonais.
Ah oui, je ne me suis jamais autant sentie aussi « Obélix » qu’au Japon ! Là où règne la taille 34 (pour ne pas vous effrayer en disant 32), mon 40 fait figure d’ovni. Je n’ai pas hâte de ne pas pouvoir acheter toutes les fringues que je veux en raison de mes hanches et de ma poitrine ! Là aussi, j’étais traumatisé au début, puis après j’ai montré mes gambettes de Française à tout va. Il faut se faire une raison, je ne vais pas vivre camoufler sous prétexte de ne pas faire un 34. Quitte à ressembler plus à Baymax qu’à Hiro, autant être un super Baymax !
Le fait de ne pas pouvoir me moucher en public, ça j’appréhende ! Surtout que qui dit printemps dit allergie donc mouchoir. Je sens déjà la galère pour mon petit nez.
Et une fois de plus, le tri sélectif japonais… Je sais que j’ai l’air d’insister et d’être traumatisée (je le suis), mais quand je rédigerai un article sur les poubelles au Japon, vous comprendrez pourquoi.
Ce qui va le plus me manquer ?
Je devrais dire mes proches en premier, mais j’hésite car le magret et le vin rouge sont deux éléments essentiels à ma survie… Bon je suis une petite fille modèle et aimante donc ma famille et mes amis à la première place du podium ! Je les aime tout de même ces drôles de gens et leurs penchants bizarres, et eux aussi ils sont essentiels à mon bonheur. La gastronomie française, je la place clairement en deuxième position. J’aime manger (au cas où vous ne l’auriez pas compris). Aucun doute là-dessus, mon pays est le roi de la gastronomie. Préparez les colis les gars car ma survie en dépend…
En bref, les petits éléments du quotidien vont me manquer :
Faire les boutiques avec ma maman, écouter du Pepena avec ma sœur, aller boire des bières avec la sublime blonde après son taf, le magret, regarder mon petit frère dessiner, les repas chez les cousins avec toute la bande, les soirées au Quartier avec la même bande à refaire le monde (et à picoler accessoirement…), le magret, regarder NCIS avec mes parents, les rots de mon petit frère, chanter le générique de Pokemon avec mon trésor de nièce, le regard rempli de tendresse de la première blonde de ma vie pendant que j’y raconte mes soucis et ses petites phrases comme « on regarde un dessin animé ? » qu’elle lance avachie sur mon lit, le magret, TPMP, aller au restaurant en amoureuse avec la sister, la sublime plage de PLN, parler de mangas et d’anime avec le frère aîné (Aniki, comment peux-tu ne pas aimer les films live de Kenshin ?), chanter du Indochine avec le cousin, le magret, les queue-leu-leu avec la bande peu importe où nous nous trouvons (le tout c’est d’assumer), entendre mes parents me dire « ta musique est trop forte, tu vas finir sourde ! », subir les séries policières de ma sœur sur son canapé, les bons petits plats de mon chef de beau-frère, les karaoke et les soirées déguisés, le magret, regarder les matches à la télé avec le papa, souler mon entourage avec Zola (heureusement pour eux, il y a skype), la cuisine de ma maman, le regard de mépris du petit frère chaque fois que je pleure devant un film ou une série (Naruto c’est hyper triste ok ? Et puis Beth quoi…), un vrai croissant au beurre, vous regardez tous autour d’une table et entendre vos rires…
Ce qui ne va pas me manquer ?
L’indélicatesse constante de la société dans laquelle je vis. Parfois j’ai le cœur en vrac devant tant de connerie humaine. Respect et tolérance sont deux valeurs primordiales pour moi, alors quand je vois tant de monde les bafouer, ça me dégoûte légèrement. Le Japon est loin d’être un pays parfait, mais il y a un savoir-vivre en société qu’on ne retrouve plus en France. Il faut croire qu’un « bonjour » accompagné d’un sourire lorsque l’on rentre dans un magasin c’est trop dur à réaliser. Sans compter toutes les idioties que l’on peut lire sur les réseaux sociaux. Je n’ai pas perdu ma foi en ma France, mais par moment je doute de mes croyances.
Assurément, la saleté de nos rues et de nos toilettes publics ne va pas me manquer du tout.
Pour finir, je l’aime ma France, et c’est tout entière qu’elle va me manquer. Mais l’aimer c’est aussi avoir conscience de ses défauts. Pour rien au monde cependant je n’aurais souhaité naître dans un autre pays. Je ne pars pas parce que je ne l’aime pas, mais parce que je vais chercher un peu de cet ailleurs dont j’ai besoin. J’espère aussi donner une autre image de la France aux étrangers que les clichés qui lui collent à la peau (oui la France ce n’est pas que la Tour Eiffel et les croissants).
J’ai la fierté du coq en moi et je compte bien la communiquer (Vous avez dit chauvine ?).
Voilà pour ce premier méli-mélo de mon humeur à quelques jours de mon envolée nippone. Après avoir lu cet article, qui raconte tout et n’importe quoi, ne vous inquiétez pas, je ne vous en tiendrai pas rigueur de penser que je suis complètement cinglée. En plus si je vous dis que j'écoute l'album de Kendji en rédigeant l'article... Ne me jugez pas!
Sur ce, je file faire mes valises ! Et comme je dis bien souvent :
Rock ta vie et la vie te rockera ! (Dédicace aux copines)

Comments